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Episode. 4 : « comment je fais pour supporter qu’il.s prenne.nt autant de temps pour faire les choses ?! ».

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  • Le 18/03/2020

Série : "je suis un parent à la maison avec mon/mes enfant.s pendant le confinement".

Episode 4 : « je suis un parent à la maison avec mon/mes enfant.s : comment je fais pour supporter qu’il.s prenne.nt autant de temps pour faire les choses ?! ».

Depuis dimanche soir (ou bien avant bien sûr), vous avez peut-être mis en place des routines pour organiser la vie de la famille pendant le confinement, puis vous avez peut-être « lâché prise » du côté du travail scolaire en réalisant que vous n’avez pas passé le diplôme d’enseignant et que vous ne pouvez pas remplacer le système scolaire. D’ailleurs, les enfants stoppent leurs apprentissage scolaires durant deux mois, l’été, mais ils ne « perdent » rien ! Enfin, vous avez peut-être aussi tenté l’aventure du « moins j’en fais, mieux c’est pour lui »… mais « c’est tellement long quand il fait les choses tout seul ! ». L’avantage, c’est que la phrase est valable pour un jeune enfant, un enfant plus grand (âge primaire), mais aussi pour un ado, vous avez remarqué ?!

Pourquoi les enfants mettent-ils autant de temps ? Pourquoi ça ne fonctionne pas comme nous ? Une des clés de réponse repose sur un constat : les adultes et les enfants ne vivent pas dans le même espace-temps ; nous sommes dans un film de science fiction !

les adultes ont appris à FAIRE, ils s’entraînent depuis des années et excellent littéralement dans certains domaines de la vie quotidienne, comme dans leur travail. Leurs « outils de la vie » sont bien affutés (ou pas !), « au taquet » (je cite ici Elsa DA qui se reconnaîtra peut-être !) ils vivent donc dans un temps qui est le temps de la production : « j’ai un projet (ex : vider le lave-vaisselle), je connais les étapes (= j’ai mon plan, l’ordre ou la séquence d’actions), je suis le plan et le modifie selon ce qui arrive à l’improviste de cette progression (ex : le four est en train de sonner pour annoncer la fin de la cuissons, je dépose sur la table la pile d’assiettes que j’ai sortie « d’un coup d’un seul » (Elsa DA !)  du  lave-vaisselle, j’éteins la sonnerie du four parce que le-petit-dort-et-j’aimerais-bien-avoir-le-temps-d’aller-au-bout-de-ce-que-j’ai-commencé, je ne retourne pas au lave-vaisselle, mais bien à la table, pour ranger les assiette (= j’ai modifié mon plan) etc… et j’aboutis à mon but ultime : j’ai vidé le lave-vaisselle, je suis satisfaite !

  • Les enfants, de leur côté, vivent dans le temps de la création car ils ont tout à créer : leurs observations nouvelles à chaque minute sont des créations, leurs essais sont des créations, leurs expériences sont des créations,… Comme le décrit Maria Montessori, c’est le temps de la discontinuité et de la répétition. Quels sont les signes que nous pouvons voir : ils sont dans la lenteur, ils recommencent (= répétition, parfois un très grand nombre de fois !), ils passent de moments qui semblent « vides » (= ils attendent que l’étincelle se fasse) à d’autres moments où tout s’emballe (= ils semblent « exploser »). 

 

Donc, quand l’adulte aime avant tout ce qui est atteint le plus vite et le plus efficacement possible, l’enfant, lui, aime ce qui est à atteindre et c’est comme s’il espérait que le temps se « dilate ».

Parlons aussi du « travail » qui meuble ce temps…

l’adulte a sa vision du temps dans lequel il y a le travail et dans lequel il aspire à « en profiter », « avoir du temps libre », « goûter le plaisir de ne rien faire ». Le travail est pour lui synonyme de difficulté, fatigue, douleurs même (le travail de la mère qui accouche…). L’adulte oeuvre donc rapidement, cherche des solutions pour aller droit au but, mais parfois, il réalise quand même que cette vie l’étouffe et il aspire à se tourner vers la « slow life », va relire un livre déjà lu, va ré-écouter une émission, revoir un film,… comme un enfant, quoi !

  • L’enfant, lui, est heureux dans ce temps qui passe, dans lequel il peut faire des expériences librement et à sa vitesse ; il s’élève, se révèle ! Reprenons l’exemple du lave-vaisselle, qu’un enfant peut vider seul, dès qu’il marche de manière bien stable en pouvant tenir des objets, en ayant pris soin de mettre les ustensiles dans des placards bas, à se portée, et éventuellement retiré les couteaux pointus, selon notre capacité à lâcher-prise. Il va ouvrir la porte, tirer le charriot à vaisselle du bas, attraper avec précaution une grande assiette, se diriger vers le placard, réaliser qu’il n’a pas pensé à ouvrir le placard avant (= planification *), donc revenir en arrière (= « buzzer »*), poser l’assiette quelque part (= trouver une solution*), ouvrir le placard, etc… s’adapter quand l’assiette suivante est plus petite, pèse moins lourd, ne se range pas au même endroit,… cette activité est extrêmement  bonne pour sa construction !!

(*) voir l’épisode 3.

  • Nous sommes bien d’accord : si pour l’enfant, la moindre expérience de vie quotidienne nouvelle est une belle occasion d’apprendre et de construire ses « outils de la vie » (ex: vider le lave-vaisselle est passionnant pour un jeune enfant), l’adulte, lui, ne s’extasie plus de ces expériences puisqu’elles ne contribuent plus à le faire s’élever ou se reveler ! C’est d’ailleurs pourquoi les enfants qui adoraient nous aider ou « faire tout seul-tout seul » leurs petites missions quotidiennes, nous lancent un beau jour un « oh, non ! Je suis fatigué ! » (= « ça ne m’apporte plus rien cette mission, j’en ai fait le tour, ça m’a bien apporté, mais là, j’ai « puisé mon intérêt » -pour reprendre une expression chère à Maria Montessori-). Lorsqu’un enfant plus grand ou un ado vous dit qu’il ne veut plus faire ce genre d’activité, vous pouvez lui expliquer que vous non plus, vous n’en avez plus aucun intérêt dans votre développement personnel, mais qu’il s’agit désormais d’oeuvrer tous ensemble pour le bien de la collectivité qui s’appelle « la famille » (un peu comme nous sommes tous ensemble en train d’oeuvrer, dans notre confinement général, pour éradiquer la propagation d’un virus…).

L’enfant qui agit par lui-même est lent, « heureux et patient, lent et exact » (M. Montessori) : il semble complètement concentré,  « in-dérangeable », et si on le fait, on se risque à une colère monumentale (comme un adulte qui, pris dans son livre, son film, sa recette de cuisine, ou un peintre, un compositeur, un réalisateur, un sculpteur, un chorégraphe… est dérangé).  Le temps de l’enfant à qui on laisse du temps, est variable : il est parfois rapide (= « je gère, tout va bien, c’est facile"), parfois très lent, recommence (= « ça vient, mais il faut que je m’entraîne encore » ou « ok, je vais essayer une variante, mais ça, je le gère pas encore »), parfois comme figé, à l’arrêt (= « euh… je ne sais plus, là »… ou « je ne sais pas encore, je chercher des solutions dans ma tête", voire même « je lâche, c’est trop dur ! »), ça nous dérange parce que c’est imprévisible (et nous, nous aimons quand les choses sont prévisibles).

Alors, je vous encourage à « prendre le temps de lui laisser son temps » !!

À propos : quand une bonne fée se penche sur le berceau de notre bébé et nous dit : « alors, il fait ses nuits ? », nous devrions lui répondre = « oui, tout à fait, il fait SES nuits… mais pas encore les miennes !! ».

Prochain épisode : "je suis un parent à la maison avec mon/mes enfant.s : j’ai peur qu’il devienne un roi, voire un tyran, si je le laisse faire… ».

lien vers le fichier pdf de l'épisode : Episode 4 parents confinementEpisode 4 parents confinement (59.67 Ko)

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