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Episode 9 : "finalement, qu’est-ce que c’est les caprices …: » ?

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  • Le 09/04/2020

Episode 9 : "je suis un parent à la maison avec mon/mes enfant.s : finalement, qu’est-ce que c’est les caprices …: »  ?

Quand on demande à Monsieur Robert ce qu’est un caprice, il nous dit que ce mot vient de l’italien capriccio, formé lui-même du mot racine italien capo qui signifie « tête » ou de capra  qui signifie chèvre, le saut de la chèvre, et qu’il peut signifier "une envie subite et passagère » :

  • en amour, ça signifie un béguin passager, par exemple,
  • en géologie, « un caprice de houille » signifie des veines de houille qui ne suivent pas leur direction attendue,
  • dans la littérature, ça signifie , une bonne ou une mauvaise saillie d’esprit et d’imagination (ex : « c’est un auteur plein de caprices »,
  • mais aussi, au pluriel cette fois, signifie des changements fréquents, imprévisibles (ex : « les caprices  du hasard ou les jeux de la fortune » (La Bruyère), « les caprices de la mode »),
  • chez l’enfant, ça signifie une exigence accompagnée de colère (ex : « on lui passe tous ses caprices »)

Peut-on faire un raccourci rapide en disant que ce terme peut avoir du positif mais un caractère inconstant, lorsqu’on parle d’adultes, alors qu’il s’agit d’un  « mauvais » comportement lorsqu’on parle de l’enfant ? Comment le même mot peut-il revenir des significations si différentes ?

Quand on entend parler des parents ou les parents de parents, à propos de leurs enfants ou petits enfants, après les descriptifs sur le physique la ressemblance, puis la « mignonerie » de l’enfant, arrivent souvent des commentaires qui vont décrire les « caprices » de l’enfant, ou bien, pour « déguiser » ces comportements qui ennuient les adultes, qui vont décrire son côté « coquin » ou « pas facile-facile »… Cet enfant « les mènent pas le bout du nez », cet enfant « fait sa loi », cet enfant « a bien compris ce qui les fait craquer », cet enfant…, cet enfant… cet enfant…

En réalité, avant 6 ans, l’enfant se situe en dehors des catégories de bien ou de mal ; sa conduite est simplement « enfantine ». Il est poussé par une force intérieure (que Maria Montessori nomme Hormè) grâce à laquelle il va s’épanouir dans son environnement ; il est « affamé » de découverte, de construction, d’adaptation. Si un évènement, un objet ou une personne fait concurrence à sa « poussée  créative », c’est comme « si on lui demandait de faire cesser ses dents de pousser ».

Avez-vous déjà assisté à de telles scènes : un petit de 18 mois qui a conquis la marche, prend plaisir à porter de lourdes charges et passer par des chemins compliqués ; devant lui se dresse un grand escalier que montent et descendent les autres habitants de la maison autour de lui. Lancé par un formidable élan de conquête, il tente une ascension de cet escalier, mais on le rattrape, on lui dit non, on lui explique peut-être que c’est top dangereux, on le gronde, on met une barrière ou des chaises ou tout autre éléments pour contrer son envie et… il va tout faire pour parvenir à ses fins (faims ?!). Malgré tout, il va essayer et essayer encore, voire même escalader la barrière ou déplacer les chaises, parce qu’il n’a qu’un but, à ce moment-là de sa vie : grimper ! Bien entendu, si l’adulte l’empêche encore, le « caprice » risque de retentir : cet instant où tout bascule, cet instant subit où tel « le saut de la chèvre », le comportement de l’enfant dévie brutalement et il se met à hurler. La réaction peut sembler complètement disproportionnée au parent qui va tenter de « raisonner » l’enfant, mais l’enfant, dans cette violence « sans cause » est en proie à une crise émotionnelle aiguë ! et les émotions ne peuvent pas être « raisonnées » !

Un autre jour, il est assis à l’avant du charriot de courses, dans une position particulièrement inconfortable (l’assise est minuscule, dure, ses jambes pendent, ses cuisses sont « coupées » par l’assise), ou bien il est debout dans le charriot, comme un capitaine à la barre de son bateau, il ne doit pas bouger alors que ce lieu de découverte est probablement passionnant, mais aussi passablement sur-stimulant… les parents n’ont pas le choix, donc le petit doit les accompagner aux courses. Au milieu de tout cet environnement subi, il se pourrait qu’il découvre un jouet, des bonbons, quelque chose qui attire son attention, il se pourrait qu’il ait envie de reprendre le contrôle après tout !… il tend le bras, mais le charriot continue son chemin… il se retourne, son parent le replace droit, pour éviter qu’il tombe… mais le petit se retourne encore, et même il pourrait pleurer ou appeler ! Et c’est la crise ! Le « caprice » qui pointe à nouveau son nez… l’hémorragie émotionnelle et lacrymale !

Les exemples ne manquent pas… on peut même en trouver au moment du coucher, en plein jeu, au milieu du repas,… « alors que tout va bien », parce que c’est bien là le vrai problème : ces « caprices » sont globalement pour l’adulte « sans cause » , alors que pour l’enfant, à cet instant là, dans ce contexte là, il y a une cause : sa flamme intérieure est insatisfaite, perturbée, déviée de sa trajectoire.

Maria Montessori, qui était médecin, décrit ces « caprices » comme l’expression d’une perturbation extérieure, à l’état aigu, représentant une tentative de cette force intérieure de l’enfant pour réclamer ou se défendre. En réalité, elle les compare même à un accès de fièvre, tel qu’il arrive parfois aux jeunes enfants d’en avoir : une fièvre qui apparaît brusquement, sans raison et s’apaise peu de temps après, sans raison non plus. Ces réactions subites sont toujours en rapport avec la sensibilité exceptionnelle des enfants.

L’environnement idéal est donc celui qui correspond suffisamment aux besoins intérieurs de l’enfant, celui dans lequel il a le temps "de prendre son temps à lui », d’avancer selon cette énergie qui le pousse, entouré de personnes qui l’observent et peuvent le suivre. Le pays des bisounours ?

Alors, bien sûr, devant une « scène », une « crise », un comportement inadapté de l’enfant, on pourrait toujours osciller entre deux réactions :

  • argumenter que l’enfant « teste » les autres autour de lui, qu’il « mène » son monde ; les parents peuvent même craquer en commentant « il est bien trop gâté » (le caprice de l’enfant devient alors la punition de l’adulte selon Maria Montessori, chaque fois qu’il aura trop fait à la place de l’enfant ou l’aura empêché de réaliser son but du moment),

 

  • Ou bien accorder systématiquement le bénéfice du doute à l’enfant, chercher chez lui la franchise et observer pour comprendre ce qui a fait naître la crise…

Ce petit est un gourmand ! Il a faim de tout ce qui l’entoure et heureusement ! C’est son moteur, cette gourmandise ! Elle lui permet de nourrir son esprit, d’avoir le « carburant » pour avoir autant d’énergie et d’être en activité constante. Que vaut-il mieux ?

  • un enfant qui se rebelle lorsqu’il ne peut pas avancer ?

(au fait, comment réagit un adulte dans un embouteillage ? comment réagit un adulte face à un ordinateur qui « rame » ? comment réagit un adulte  confiné ?),

  • ou un enfant résigné, qui va suivre le mouvement…

Rien ne peut calmer le « caprice » de l’enfant : aucune explication, aucune négociation, aucune punition ne sera efficace. Car l’adulte s’adresse alors aux émotions de l’enfant et non à son raisonnement ; chacun parle une langue différente de l’autre. Maria Montessori ajoute : « c’est comme si on faisait un discours à un homme fiévreux en le menaçant d’un bâton pour faire tomber la fièvre et en lui démontrant qu’il vaut mieux être bien portant ! » .

« Ce n’est pas quand il a cédé à l’enfant que l’adulte l’a gâté, c’est quand il l’a empêché de vivre et qu’il l’a fait dévier » : les paroles sont dures, elles peuvent nous faire tourner le dos, voire même nous rebeller à notre tour, ou bien elles peuvent nous amener à reconsidérer autrement les situations vécues :

  • suivre l’enfant, à son rythme, chaque fois qu’on le peut,
  • en faire le moins possible à sa place,
  • observer ses « périodes sensibles » : ces moments propices durant lesquels il semble littéralement « absorber » de nouvelles connaissances,
  • considérer ces « crises émotionnelles » comme des accès de fièvre qui racontent quelque chose, même si la signification n’est pas toujours limpide !
  • lâcher prise avec nos croyances et nos explications d’adultes : comment pouvons penser que l’enfant nous dupe, « abuse de la situation » ? Acceptons l’idée qu’il est « innocent » de ce dont on l’accuse et répondons à son appel à l’aide…

Ce ne sera pas en faire un tyran, un roi ou tout autre gouverneur de notre destin d’adulte, ce sera juste se mettre à sa hauteur et tenter de comprendre ce qui le meut (voir l’épisode 5 « Qui est le tyran ? »).

« Un homme n'est jamais si grand que lorsqu'il est à genoux pour aider un enfant » (Pythagore)

 

Prochain épisode : "Pourquoi est-ce qu’il tourne en rond alors qu’il a des milliers de jouets autour de lui ? »

Lien vers le pdf de l'épisode : Episode 9 parents confinementEpisode 9 parents confinement (61.22 Ko)

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