Formations - Christine Nougarolles Moly

Pourquoi faire des présentations ?

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  • Le 08/10/2017

Lorsqu'on lit les travaux du Dr Maria Montessori ou lorsqu'on se forme à sa philosophie-pédagogie, on apprend à faire des présentations : temps individuel pendant lequel on donne à voir à l'enfant comment réaliser une activité choisie en fonction de ce qu'on a pu observer qui attire son intérêt.

"mais pourquoi leur montrer l'activité avant qu'il la réalise ? ne serait-ce pas plus intéressant de laisser l'enfant découvrir un matériel, expérimenter, tâtonner,... ?!", me demande-t-on régulièrement...

Voilà la question qui revient systématiquement en formation d'orthophonistes. Orthophonistes formées à Cogiact bien souvent, mais aussi d'autres. Question posée aussi par les parents des enfants que je reçois en ateliers ou en stages Montessori. Question légitime quand on connaît le développement de l'enfant et qu'on se dit que les "essais-erreurs" sont source d'apprentissage ("l'erreur instruit", me dit souvent une amie formatrice !). Voilà longtemps que je réfléchis à cette question ; je vous en livre mes réflexions...

Depuis les premières heures de vie du bébé, les adultes qui en prennent soin lui donnent à voir et à entendre ce qu'ils font ou disent. Bébé est au spectacle et n'en rate pas une ! Le fameux "bain de langage", cher à Françoise Dolto, que je préfère utiliser sous forme de "douche de langage" afin de ne pas non plus prendre le risque de le noyer ( ! ) lui fait entendre le vocabulaire, les structures syntaxiques de notre langue. Egalement, nous marchons, nous bougeons, nous manipulons devant lui. Tous ces gestes, toutes ses paroles, tout ce langage lui sont offerts gratuitement et il est un modèle auquel l'enfant est hyper attentif, son cerveau étant "pré-cablé" pour tout reproduire. Tout reproduire, sans aucun filtre, ce qui signifie toutes les attitudes, toutes les intonations, tous les registres de langue, tout, tout, tout ! mais c'est là une autre question ; elle sera sans doute le thème d'un prochain billet à venir !

Nous lui donnons à voir et à entendre, comme nous lui donnons à boire et à manger :)

Dans ce contexte, posons-nous la question suivante : que se passerait-il si l'adulte se disait un jour : "ok, je vais arrêter de parler ou de faire des choses devant mon enfant, pour le laisser expérimenter par lui-même, découvrir, tâtonner,... je suis sûr que ce serait bien plus formateur pour lui !"(à part quelques hommes bizarres, comme Frederic II de Hohenstaufen, quelques expériences sont relatées dans mon livre co-écrit avec Anaïs Galon, "Bébé s'exprime par signes").

Il est donc tout à fait logique et naturel de "présenter" une activité ! Indispensable même ! Présenter une activité, c'est à dire la réaliser devant un enfant au moment opportun, ne signifie pas "lui mâcher le travail", "l'empêcher de découvrir par lui-même pour asseoir ses stratégies", ou "provoquer des attitudes plaquées" ; dans le cas d'une présentation d'un matériel sensoriel manipuler, par exemple, il s'agit de :

  • - montrer à l'enfant comment réaliser la séquence de gestes,
  • - sans ajouter du langage, ce qui le mettrait alors dans une situation de "multi-tâche"*,
  • - lentement, avec des gestes sûrs et précis,
  • - idéalement au moment où il en a montré un intérêt, bien sûr !
  • * bien entendu, si la présentation repose sur un matériel lié au vocabulaire ou aux mots des mathématiques par exemple, nous ajouterons juste ce qu'il faut de langage, en parallèle !

Cette présentation, selon la pensée Montessori, a lieu une fois. L'enfant, à partir de là, va être encouragé à la refaire autant de fois qu'il le voudra et c'est bien pendant ces multiples répétitions, ces entraînements parfois incessants, qu'il va expérimenter, tâtonner, apprendre de son observation, affiner ses stratégies ! Je vous renvoie ici au superbe billet de Victoria Noiset, auteur du blog "Enfance positive" : Maria Montessori formule alors ce qu'elle appela "la polarisation de l’attention, ce phénomène extraordinaire qui permet à l’attention de se focaliser sur un objet particulier avec tellement d’intensité que rien ni personne ne peut nous sortir de cette extrême concentration. L’enfant est totalement plongé à l’intérieur de lui. Comme une étrange méditation").

Je dirais même, puisque c'est un sujet dans l'ère du temps, qu'à travers tous ces "essais-erreurs", l'enfant va convoquer ses fonctions éxecutives, indispensables aux apprentissages ! Comment ?

  • - en ayant mémorisé la démarche observée une première fois lors de la présentation qui lui est faite, il utilise donc la capacité de sa mémoire de travail,
  • - en organisant la séquence d'actions qu'il a vue, il utilise sa capacité de planification,
  • - en observant une erreur, en arrêtant sa démarche, en contrôlant le résultat (en fonction de ce qu'il a mémorisé ou en "voyant l'erreur"), il utilise la capacité de son contrôle inhibiteur,
  • - en changeant de stratégie, d'ordre dans sa séqence d'actions, en revant en arrière ou en essayant quelque chose de nouveau, il va utiliser sa capacité de flexibilité mentale.

Nous observons ce type de comportement très fréquemment quand, dans la vie quotidienne, nous observons un tout petit qui va essayer de se mettre debout et marcher, quand il va essayer de faire rentrer quelque chose dans un autre, quand il essaie de dire un mot nouveau, quand il demande "comment on fait les lacets", qu'on lui montre tranquillement et qu'il va s'entraîner tout le week end pour réussi à faire seul !

Les "présentations", selon Maria Montessori, n'empêchent absolument pas la démarche de découvreur de l'enfant, bien au contraire ! Elles lui donnent à voir puis à expérimenter à son tour, comme nous lui donnons le langage depuis qu'il est né. J'en suis convaincue et l'expérimente chaque jour en tant que maman, mais aussi dans mon travail d'orthophoniste :)

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